mercredi 30 juillet 2014

Printemps arabe : Les femmes vont-elles faire leur révolution ?





Traduit de l’anglais au français par Quentin Davidoux.
 l'article en anglais en en arabe est publié sur le site de Heinrich Böll
http://lb.boell.org/en/2014/04/24/womens-revolutions-shadow-arab-spring-has-time-come

Je suis venue au monde comme une femme : avant la révolution syrienne.
Je ne nie pas avoir oublié parfois que je suis une femme, préoccupée par l’écriture et la vie, et obsédée par mon pays qui oscille entre les berges de la mort. Au moment où j’ai commencé à écrire, j’avais longtemps ignoré  que j’étais une femme. L’éducation masculine que j’ai reçue m’a poussée à renier mon sexe et je sentais mon infériorité du fait de ma féminité ; par ailleurs les modèles féminins apparus dans les domaines littéraire et médiatique ne m’ont jamais captivée, le rêve qu’ils poursuivaient n’ont jamais du reste croisé le mien.
Mes rêves étaient masculins. Je m’identifiais aux hommes ; j’étais l’un d’entre eux : Sartre, Nietzsche et Hegel, puis Kafka et Proudhon, et, finalement, dans la période précédant mon éveil féministe, Dostoïevski, Kundera et beaucoup d’autres, tous, en fait. Dans ma vie privée, je rencontrais beaucoup de femmes exceptionnelles, mais aucune n’était une célébrité de la littérature ou du cinéma ; ainsi, à l’époque, je ne me rendais pas compte de leur distinction car mon jugement sur les autres était lié à ce qu’ils écrivaient.
Enfant, ma bibliothèque était remplie de livres de Camus, Sartre et Colin Wilson ; j’ai grandi comme un homme et c’était à eux que je m’identifiais. Peut-être qu’inconsciemment je détestais ce que j’étais : une femme.
Les textes de Nawal el Saadawi étaient nouveaux pour moi. Ce monologue me repoussait et ne me concernait pas. Je ne lisais pas les textes de Ghada Al Samman ou d’autres auteures arabes, et même des écrivains arabes, dont les textes me laissaient de marbre avec leur narcissisme, leur immaturité intellectuelle en quête d’une identité – d’une unicité, peut-être…
En grandissant, je fus soudain confrontée aux tabous sociaux. Je découvris que d’autres ne me voyaient pas comme moi je me voyais. Je ne me présentais pas comme une femme, mais ces gens-là, d’un coup de crayon (cette expression tombe à point nommée) me plaçaient dans la boite étiquetée « femme » et je subissais leur mépris et leur manque de respect. Dans un minibus à Alep, un jeune homme tenta de me violenter, et lorsque je le repoussai – comme son égal et non comme une créature inférieure à un homme –, il dit d’un ton menaçant qui me fit peur : « Ferme-la ou je te frappe devant tout le monde ! » . Je me tus, en victime, et subis ma peur. A ce moment-là, je réalisai que j’étais une femme, et que mon identité dans les sociétés de l’est était déterminée par mon corps, non par mon esprit. Jour après jour, les barrières s’érigeaient toujours plus hautes devant moi, juste à cause de ma condition de femme. Beaucoup d’opportunités m’étaient refusées à cause de ce corps de femme, un corps, croyait-on, qui contenait un esprit différent de ceux des hommes.
En remontant mon chemin (encore un cliché) dans le monde des femmes, je me suis considérée comme une étrangère parmi elles. Car, dans l’environnement où je vivais, les femmes sont des dictionnaires d’elles-même, très différent du monde de ces hommes qui m’éduquèrent : mes pères. J’eus de nombreux pères : Sartre, mon père spirituel ; mon père biologique ; Khaled, mon père intellectuel ; et bien d’autres…
Je me suis retrouvée comme une étrangère dans le monde des femmes : des tentatrices, des mangeuses d’hommes avec de la ruse, de l’intuition et une foule d’autres qualités que je ne comprenais pas. Troublée, je comptais me trouver un endroit qui me correspondrait mieux, et un ami me dit : « Une vraie femme couche avec des douzaines d’hommes sans qu’aucun ne le découvre. Tu es trop transparente ». Mes amis considéraient que la féminité chez une femme vient de sa capacité à tourmenter les hommes, or, j’étais très loin de la tourmenteuse idéale : à travers mes lectures et mon éducation, j’avais appris à croire en l’égalité parmi les êtres et au respect mutuel. « Transparence » était mon mot d’ordre dans la vie, et je finissais par être accusée d’un manque de féminité. Moi, une femme élevée dans le scepticisme, avec Descartes, Nietzsche et la pensée rationnelle, comment pouvais-je m’en tenir à une féminité consistant à suggérer mais jamais déclarer, flirter et manipuler, approcher et reculer… ? Des garçons plus jeunes que moi m’enseignèrent la chose : fais-le danser, mais garde-le dans l’incertitude…et j’échouais. En cherchant à me rapprocher des hommes, je découvris aussi leur hypocrisie ; une hypocrisie qui, à de rare exceptions près, était en quête d’une compagne libérée, une sœur ou une femme, qui ne se révélerait devant personne d’autre.
Je baissai les bras. Je ne suis pas un homme fourbe, une femme dissimulatrice. Je suis une écrivaine. Je me réfugiai dans la narration et commençai à réévaluer ces femmes que j’avais précédemment ignorées. Et J’écrivis.
Je n’ai aujourd’hui pas l’intention de discuter des portraits des femmes dans mes récits, ou même de Daughters of the Wilderness, la nouvelle qui représente mon manifeste artistique, dans lequel j’annonce que je suis devenu une femme, là où un jour je m’étais détournée de mon sexe, convaincue que l’œuvre de l’écrivain n’avait rien à voir avec son genre biologique.
Je ne suis pas si féministe que ça, mais lorsque j’écris – écrire étant une des pierres angulaires de mon identité – je prends le parti des victimes, des plus faibles, et il est toujours clair pour moi que, en gros, la femme est constituante de ce parti, même si ce n’est pas toujours l’homme qui la rabaisse.
Marquez a dit qu’il était né pour raconter des histoires, et je crois que n’importe quel romancier contient cette vérité en lui. Moi aussi, je suis née pour raconter des histoires, mais notez bien : je suis née femme et j’ai laissé mon pays parce que j’étais une femme ; serais-je née homme, j’aurais subie moitié moins d’épreuves que ce que j’ai subi en étant une femme. Être une femme, c’est subir deux fois plus de douleurs : une part pour l’être humain et une part supplémentaire pour la femme.
A l’âge que j’ai maintenant, je ne crois pas que le sexe influence l’écriture, mais, alors que j’écris, une magnifique voix résonne : la voix de ma grand-mère, la voix de femmes disparues, et de celles qui restent, torturées, enchaînées, effrayées ; un chœur enfoui profondément en moi qui chante lorsque j’écris, et, voltigeant à travers mes textes, me rappelle le fait que je suis, comme elles, une femme.
La révolution en tant que femme : Lorsqu’un air printanier a atteint la Syrie.
Lorsque commença la révolution en Syrie, j’allai là-bas dans le même état d’esprit : comme une femme qui embrasse de nouveaux horizons et qui les sent avec son capteur interne… Un mélange d’instinct biologique et de connaissances acquises lors d’une vie de lectures et d’expériences théoriques.
Je m’engageai dans la révolution en tant que femme. Une femme qui croyait à son rôle, non comme une fonctionnaire au sein des systèmes des parties politiques, associations ou croyances majoritaires, mais comme une personne entrant spontanément dans la chaîne et la trame de l’expérience des autres : de leurs douleurs, leurs injustices, leur rébellion, leur liberté…
La révolution entame sa quatrième année, et de jour en jour, la marée de sang, de mort et de destruction augmente.
Une femme… pardon : je voulais dire une révolution à laquelle nombreux rêvaient : une femme belle et impartiale balayant une histoire d’injustice, de discrimination et de désespoir imposé transformée chaque jour en cadavre pour réapparaître le suivant, l’espoir serré dans son poing.
Une femme… pardon : je voulais dire une révolution qui sait qu’elle doit traverser un champ de mines placé en travers de ses espoirs les plus chers, traverser une foule d’hommes, l’un après l’autre essayant de la couvrir d’un voile, de la dissimuler, de la guider, comme s’il était son mari légal et officiel.
Djihad, islamisation, militarisation, chacun avec leurs objectifs et étapes soigneusement définis. La révolution est passée de main en main, de slogan en slogan ; elle esquive et glisse à travers et au-delà des camps des belligérants et en ressort inaltérée, franchissant carrefour après carrefour, barrière après barrière, d’une prison idéologique à une autre, la tête haute et sur les lèvres : « Je suis la Révolution ; je ne suis pas comme vous. »
Beaucoup d’hommes se prétendent son protecteur, pour la représenter et faire respecter sa légitimité ; ils y sont aidés et encouragés par des femmes, alors que les filles de la révolution souffrent et sont violentées. Mais la révolution… pardon, la femme, qui connaît et comprend les stupidités de ses enfants, tant légitimes qu’illégitimes, ceux qui frappent à sa porte et affirme en pleurant qu’elle est leur, elle leur ouvre la portehttp://cdncache-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png à tous, car la femme… pardon, la révolution, rejette la discrimination.
C’est son coté sentimental, sa faiblesse peut-être, qui l’empêche de claquer la portehttp://cdncache-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png sur ceux qui viennent, animés de bonnes intentions, ou de mauvaises, pour l’aider. Aujourd’hui, elle est femme, femme au sein d’une révolution : c’est la formulation adéquate, la formulation qui transmet sa justice et sa droiture.
Un révolutionnaire ne respectant pas la femme ne mérite pas la gloire de la révolution. Quiconque essaye de soustraire la femme ou de la faire taire est contre les deux, femme et révolution.
Quiconque enlève les femmes est contre les deux ; quiconque empêche les femmes d’obtenir ce qui leur appartient de droit, qui leur jette de la mie de pain comme compensation de leurs pertes, est un ennemi de la femme et de la révolution.
Lorsque la femme est en danger, la révolution est en danger, la société est en danger, l’homme est en danger. La femme est la base de la révolution. La révolution est en danger si la femme est en danger : la femme est la pierre de touche de la révolution.
La révolution est en danger lorsque Samira Khalil, Razan Zeitouneh et bien d’autres femmes et hommes sont retenus par ceux qui affirment être les enfants de la révolution. Les deux femmes ont été enlevées le 10 décembre 2013 par un groupe d’hommes armées anonyme qui a attaqué le Centre de documentation des violations de Douma, ville proche de Damas. Ils ont enlevé les deux activistes, ainsi que deux de leurs collègues masculins, Wael Zeitouneh (le mari de Razan) et Nazim Hamadi, dont on est toujours sans nouvelle à ce jour.
C’est ce qu’est la révolution, comme l’histoire des femmes : les ennemis brandissent des slogans abscons, s’abritant derrière pour atteindre leurs buts, pendant que la révolution, ou la femme, demeure la moindre de leurs préoccupations.
La même chose se vérifie à travers l’histoire schizophrénique des hommes : les hommes qui défendent les droits de femmes avec lesquelles il n’ont aucun lien biologique ou légal bafouent ces mêmes droits chez eux pour bien montrer que ce sont eux qui dirigent.
Certains hommes blanchissent leurs dossiers honteux avec un liquide nettoyant magique appelé « les problèmes des femmes ». Ainsi, dans la révolution, nous pouvons aussi trouver ceux qui tentent de dissimuler les sombres taches qui gangrènent leurs pensées, comportement et intentions, avec cette javel occulte qu’est la révolution.
On ne peut pas se fier à ce qui ne peut pas être féminisé. Les révolutions qui ne peuvent pas être féminisées ne sont vouées qu’à devenir des champs de batailles et des massacres mutuels. La révolution se porte bien si la femme en son sein se porte bien. La révolution se porte bien quand tous baissent la tête devant les femmes et brandissent haut leurs images, comme l’ont fait d’autres nations. Les Français, par exemple, brandissent toujours l’image de Marianne, inébranlable, plus puissante que les portraits de leurs dirigeants. Marianne, l’incarnation de la république française, la femme à bonnet dont les statueshttp://cdncache-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png et les peintures sont à l’honneur lors des célébrations républicaines, qui fait jeu égal avec le drapeau. Le choix du nom, cela dit, demeure un mystère. Marie-Anne était un prénom très populaire au XVIIème siècle, et souvent utilisé comme un diminutif pour « le peuple ». Sous la révolution, Marianne en vint à symboliser la liberté et la République. Elle servit d’inspiration pour nombre d’œuvres, comme le tableau d’Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple.
La révolution est une femme. Libre, elle n’a pas besoin de pères, de guides ou de chefs. Elle a besoin d’enfants qui travaillent avec l’amour et la foi du changement, et de prendre fait et cause pour les femmes (en particulier) et pour l’espèce humaine.
Le printemps, les femmes et la culture.
L’an dernier, en mai 2013, j’ai pris part à un forum d’une manifestation culturelle ayant lieu pour marquer la fondation du PEN au Liban, et faisant partie d’une série d’événements organisées en collaboration avec PEN international, et avec le support du festival de Hay. La discussion au forum tournait autour des révolutions arabes et des femmes.
Ce qui fut alors dit à propos des droits des femmeshttp://cdncache-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png semble maintenant presque complaisant à la lumière des derniers événements en Syrie : ce serait comme tenter de sauver un livre d’un bâtiment en flamme s’écroulant autour de ses occupants. J’ai souligné mon rejet de la militarisation de la révolution et de l’arrivée au pouvoir des groupes islamistes parce que j’étais sûr qu’ils supprimeraient le peu que les femmes avaient réussi à obtenir. J’ai dit qu’il n’était possible de ne parler des droits des femmes qu’en temps de paix, que les femmes elle-mêmes pourraient être les grandes perdantes en temps de paix comme en temps de guerre. J’ai révélé le niveau de despotisme dans la société arabe, affirmant que les sociétés arabes sont profondément despotiques, et que ce despotisme dans nos pays est complexe, comme des couches sédimentaires. Si l’on retire la couche du despotisme politique, on trouve le despotisme religieux. En retirant celle-ci, le despotisme familial est révélé. cycles après cycles, la plupart emmenée par une femme qui, comme l’homme, est la victime de chacune de ces couches, mais est finalement aussi la victime du despotisme de l’homme, quand bien même celui-ci fut peut-être lui-même la victime d’une oppression antérieure. C’est comme si la femme habitait dans un champ de clôtures de barbelés. A la fin, la femme est la grande perdante, perdante en temps de paix comme en temps de guerre. Et maintenant, alors que des révolutions ont lieu autour d’elles, révolutions pour lesquelles elles n’ont pas le choix de prendre les armes (principalement par le fait que la majorité des femmes s’y oppose, encore que cela soit un problème profond et épineux lié à la recherche des tendances instinctivement pacifiques des femmes et de leur prédilection pour l’esprit de famille, l’habitude et des processus de changement rationnels et sans confrontation), les femmes n’abandonnent pas et poursuivent leur lutte non-violente au sein de cycles verrouillés de violence.
Une discussion sur les violences commises par tous les partis ne signifie à aucun moment que nous mettons sur un pied d’égalité la victime et l’auteur, mais cela implique d’obliger les femmes à entrer dans une lutte qui n’est pas la leur en leur qualité de citoyenne et d’égaler le partenaire qui s’engage en politique, dans la société civile ou dans des actions d’aide publique, tout en payant parallèlement deux fois ce que paierait un homme. A la fin, pour une écrasante majorité, elle est un objet et un symbole, jamais une entité indépendante. En temps de guerre elle est une otage, en temps de paix l’honneur de la famille : dans les deux cas un symbole avec des valeurs génériques et jamais une personne en soi. Les femmes sont la fille, l’honneur et la honte, la première de la famille, puis du clan, puis des environs, puis du pays.
Les femmes prises dans la révolution ne se sentent pas immédiatement concernées par leurs droits. Bien sûr, quelques faibles efforts sont faits par des collectifs de femmes et des associations qui œuvrent pour informer et contrôler la situation des femmes en Syrie et les violations de leurs droits, mais au regard des massacres et des meurtres de masses, de tels efforts semblent irréalistes.
La femme perd parce qu’elle met ses droits de côté, parce qu’elle rejoint les hommes dans une révolution qui, selon elle, va garantir ses droits en tant que citoyenne et le concept même de citoyenneté, ce qui devrait nécessairement lui assurer ces droits et l’égalité. Mais tout ça n’est que théorie, parce que la réalité, c’est que les révolutions dans les pays avoisinant ont laissé la place à des régimes dictatoriaux, des régimes dictatoriaux de nature différente certes, mais, pour la femme, une dictature religieuse n’est pas moins dangereuse et abusive qu’une dictature politique. Les Syriennes ne sont pas descendues dans la rue pour défendre les conseils de la Charia ou la mise en place de punitions islamiques. Elles sont descendues dans la rue pour la défense de concepts civils et contemporains : pour la justice et l’égalité.
Il y a ensuite la tyrannie sociale, lorsque les femmes souffrent de l’autoritarisme masculin : le diktat du frère, du mari, du fils du voisin ou du cousin. Tous ces hommes ont des droits sur la femme parce qu’elle porte leur honneur et leur honte. Il n’y a pas de période de post-oppression : à la tyrannie d’aujourd’hui en succède toujours une autre.
La plus profonde couche de tyrannie que les femmes doivent combattre est celle de l’homme réactionnaire, l’ombre dissimulée derrière tous les hommes occidentaux qui les empêche de considérer la femme comme leur égal. La présence des femmes aux conférences culturelles et politiques est symbolique. Au fond d’eux, les hommes pensent que la femme leur est inférieure, qu’elle a besoin de conseils, et certaines femmes s’identifient à ce courant de pensée masculin, elles oppressent leurs semblables et souscrivent avec une infériorité subconsciente à cette idée que l’homme est un protecteur. Elles se blottissent contre les hommes et recueillent les bénéfices : contentement, protection et sensation de sécurité.
Parce que la femme est la garante de l’honneur, et parce que tous les hommes ont le droit d’intervenir dans ses affaires pour protéger cet honneur, il en résulte que même ces femmes qui se sont élevées contre le régime se sont heurtées à la religion et à l’autorité patriarcale une fois le pouvoir du régime mis en pièces. C’est ce qu’il s’est passé pour Samira Khalil et Razan Zeitouneh qui se sont battues contre le régime et le despotisme politique, et sont devenues en fin de compte les premières victimes de la révolution « patriarco-religieuse » qui, identique en cela au régime, réprima leur liberté et les enferma.

samedi 12 juillet 2014

مها حسن: "طبول الحب" تكشف جمال الثورات قبل الفوضى

حاورتها-فاتنة الغرة
في المهجر، تجلو الروح وتأخذ الأشياء كلها مسميات مختلفة، وتصير للوطن وللذات أماكن مغايرة، ومن هنا تنطلق الكاتبة والروائية السورية الكردية مها حسن في رواياتها التي تحاول أن تستقصي فيها الذات البشرية وواقع الحال.
ولمحاولة الدخول إلى عوالم الكاتبة أكثر، كان للجزيرة نت معها هذا الحوار.
 بين الثقافتين العربية التي تكتبين بها غالبا والكردية التي تنتمين إليها، هل تتأرجح مها حسن أم وجود الثقافتين كان إثراء لتجربتك؟
أعتبر نفسي محظوظة بهذا الخليط الساحر، بامتلاك كمية هائلة مخزّنة من الحكايات والقصص الشفوية التي نقلتها لي جدتي الكردية، والتي ترد كثيراً في كتاباتي، وأعتبر نفسي أحياناً امتداداً لها، فكأنني نسختها المنقّحة، حيث هي النسخة الشفوية، وأنا المدوّنة، بالإضافة إلى مخزون أمي الخاص والمختلف عن مخزون جدتي لأبي.
امرأتان تتحدثان لغتين مختلفتين. أمي المولودة من أم عربية وأب كردي، وجدتي الكردية، تناوبتا على نقل شغف الحكاية، الشغف الذي اشتغلتُ عليه لاحقاً بأدواتي المعرفية وثقافتي الشخصية وخبراتي الخاصة.
 يعتبرك البعض من أكثر المبدعين السوريين كتابة عن الثورة وتواصلا مع الوضع العام بسوريا، هل كان لقوميتك تأثير على مواقفك كما يرى البعض؟
لا أعتقد بهذا، بل إنني لا أؤمن بالقوميات والانتماءات الدموية، أنا كاتبة، أنتمي للكتابة التي تنظر إلى العالم كله بعين واحدة، تحلله وتحاول تفسيره، وتدوّنه. ومن جهة أخرى، لا أعتقد أنني من أكثر السوريين كتابة عن الثورة، هناك الكثير من الكاتبات والكتّاب السوريين الذين اشتغلوا، وأكثر مني كما أعتقد.
 أصدرتِ رواية "طبول الحب" تناقش القضية السورية، ألا تعتقدين أنه من المبكر كتابة رواية عما يحدث في سوريا خاصة وأن الأمور ما زالت على حالها؟
على الصعيد الإبداعي، نعم، الوقت مبكر، لكنني عشتُ تحت تأثير ضغط ما يحدث، وكما قلت من قبل بأن هذه الرواية وجدت طريقها إليّ كما لو أنني لم أكتبها، بل زارني شخوصها وألحّوا عليّ بالتواجد معي طيلة الوقت.
"روايتي وثّقت الثورة السورية بنبلها وإنسانيتها، قبل أن تُحوّل بجهود السياسيين، سواء من النظام، أو من قوى إقليمية أو من أطراف معارضة، أو من جهات عالمية، إلى عمل مسلح ثم إلى فوضى يصعب فهمها"
كنت أكتب تحت تأثير مطالبة أصوات داخلية بهذا، ومن ناحية أخرى، وعلى الصعيد الإبداعي أيضاً، وبعد مرور سنتين على صدورها، أشعر اليوم أنني لم أخطئ بكتابتها، فهي رواية طازجة، رواية الحدث الذي يحدث أثناء الكتابة، ولا يزال مستمراً، هي بمثابة توثيق ولكن إبداعي لما يحدث في سوريا. 
أما على الصعيد السياسي أو التوصيفي للثورة، فإن روايتي هذه، والتي أحترمها وأحبها لسبب إنساني أكثر منه إبداعي، قد وثّقت الثورة السورية بنبلها وإنسانيتها، بل وبانقساماتها البريئة، يعني هي بالنسبة لي على الأقل بمثابة مرآة للفترة الوردية للثورة، قبل أن تُحوّل بجهود السياسيين، سواء من النظام، أو من قوى إقليمية أو من أطراف معارضة، أو من جهات عالمية، إلى عمل مسلح ثم إلى فوضى يصعب فهمها.. طبول الحب هي السنة الوردية الجميلة للثورة، صورة الثورة التي أحببناها وتمسكنا بها ولا نزال نراها من خلال تلك العين الجمالية، العين الباحثة عن الحرية والعدالة والمحبة، العين التي رفع السوريون من خلالها الورود في التظاهرات، كل ذلك الجمال، فقدته الثورة اليوم، وأصبح الدم في كل مكان.
 قال البعض إن روايات مها حسن هي روايات "نسوية بامتياز"، ألا تعتقدين أن في هذا التوصيف ظلما لكتاباتك؟
هذا يعني بأنهم لم يقرأوني. من أولى رواياتي "اللامتناهي ـ سيرة الآخر" إلى "تراتيل العدم" وحتى "حبل سري" كانت تيماتي الوجودية هي الغالبة، حيث هواجسي تتعلق بالهوية والانتماء والوطن والمنفى وقدرة الفرد على التغيير.. أي كل تلك المجموعات الهائلة من الهواجس الإنسانية والأسئلة الجوهرية في الحياة.
الرواية الوحيدة التي تطرقتُ فيها لموضوع يتعلق بالمرأة كانت "بنات البراري". ولا أعتقد أن جرائم قتل النساء هاجس نسوي بحت، أظن أن هناك كتّابا رجالا أيضاً كتبوا عن هذا الموضوع.
 تحدثتِ سابقا عن اللغة القاتلة وأن السوريين قتلتهم اللغة، ما الذي تقصدينه تحديدا؟
"أسمع أغنية عربية بغتة في باريس فتقفز حلب بوجهي، وأشعر كما لو أنني طفلة مُعاقبة بالحرمان من أغلى دُماها، هل حلب دميتي؟ ربما، حلب أو اللغة العربية المنتشرة في كل مكان، هي دميتي الضائعة"
ربما أنا تحدثت عن اللغة التي تقتل، متكئة على عوالم "خوان رولفو" حيث يقتل الهمس أبطاله، وقد توقفت عند السوريين حصراً، لكن هذه اللغة يمكن تعميمها على العالم العربي بأجمعه، حيث الانفصام بين الواقع واللغة، بحيث تبدو اللغة المستعملة فارغة وبعيدة عن الواقع.
منذ أيام، انتشرت على الفيسبوك صورة لرجل بدين أمامه مائدة طعام عليها ما لذ وطاب كما يُقال ويدخن النارجيلة، ويلصق لوحة خلفه تقول: الثورة مستمرة حتى لو نموت من الجوع.
هذه الصورة تدل على الفرق الكبير بين اللغة البرانية الشكلانية وبين السلوك الحقيقي أو الرغبات الإنسانية، هذا فعلاً موضوع شائك وطويل، وينبغي أن يأخذ حقه في دراسات أعمق وأكثر تركيزاُ، لتكون اللغة معبرة عن حقيقتنا الداخلية، وهذا يحتاج إلى مجهود فكري ونفسي معاً لغربلة الذات وفهم الأنا، ثم استعمال لغة تتناسب مع الشخص، لا مجرد كليشيهات يرفعها أحدنا لأن غيره يستعملها.
 كروائية تعيش في المهجر، كيف أعاد المهجر تشكيل نمط الكتابة لديك منذ "اللامتناهي-سيرة الآخر-1995" وحتى "طبول الحب-2013"؟
تعلمت الكثير في الغرب، تعلمت ضبط انفعالي، وتحمل مسؤولية كلمتي، لهذا فكتابتي تحررت أكثر من قبل من سلطة الآخر، الغرب يقوّي الفرد لأنه لا يعين الآخر دائماً. هنا الدولة هي التي تحقق حاجيات المواطن، ولا يمكن لأحد الاتكال على أحد آخر، ولأن المواطن مستقل لهذا فهو حر من الداخل، في روايتي "تراتيل العدم" تحدثت عن الإذعان، عن تلك العقود الضمنية التي يوقعها الفرد مع الآخر: السلطة، المجتمع، الأب، الصديق ... ليمنحه الحماية، هذا لم أحتجه في الغرب، لهذا صرت أكثر قوة، تحررت من الآخر بالمعنيين، السلطوي والمنفعي إن صح الوصف، بمعنى لا أحد يقدم للآخر شيئا، وبالتالي، لا أحد منا مدين لأحد، هكذا تحررت كتابتي حتى مني ومن تدخلاتي وشروحاتي، وأعتقد أن سردي أصبح أكثر تخففاً من قبل.
 كشف المستور أو الحديث عن المسكوت عنه أو كسر التابوهات، هل هي ثيمات فكرية تتوارى خلف بنائك الروائي؟
لا أعتقد أن هذه تيمات روائية، يمكن للصحافة والإعلام فعل هذا، أما الأدب فهو يشتغل على العمق، ينزل إلى قعر الفرد والحدث والبناء الروائي حتى، ويحفر باحثاً عن الجواهر المدفونة، أو المخاوف أو المجهول البشري، ولكن المسكوت عنه والتابوهات، هذه مفردات تليق بكتابة سريعة تبحث عن الضوء والإثارة الإعلامية.
 أين ترين الرواية السورية الآن في المشهد العربي، وهل هناك أسماء تستطيع إيجاد مكان لها عالميا؟
"تكسرني الغربة الروحية والفكرية، وترميني في عمق الوحدة والعزلة، فأكتب. هي ضريبة الكتابة، التفاحة المحاطة بالشوك، حتى نكتب، يجب أن نكون أنفسنا، ولنكون أنفسنا نحتاج إلى الحرية والعزلة ربما"
يؤرقني دوماً سؤال "جنسية الأدب" وقد كتبت حول هذا، فمصطلح الرواية السورية هو إشكالي بالنسبة لي. أنا أعيش خارج سوريا منذ عشر سنوات، وهناك أسماء روائية وُلدت في غيابي، ولا أعتقد أنني أرتبط مع الكثير من الكتاب السوريين في هواجسنا الكتابية، لهذا فإن التأطير الجغرافي للأدب لا يعنيني، فإذا خرجت من قبل من الانتماء الدموي، بحيث لم أسمح بأصولي التدخل في عقلي، إلا لتجميل كتاباتي وإثرائها، وليس من باب الانفصال أو الحدود مع الآخر، فإنني ككاتبة أعتبر نفسي منفتحة على العالم، أهتم بالكتابة الجيدة، وأحاول التعرف على تجارب الكتاب من كل أرجاء الأرض، لهذا فإنني لست خبيرة بالرواية السورية، ربما يكون هذا من شغل النقاد.
ما الذي يكسر مها حسن من الداخل وما الذي يبنيها؟
تكسرني الغربة، وفي نفس الوقت تبنيني. هل تذكرين قصة (بنيلوب) لدى اليونان، كانت تُمضي الليلة في الحياكة، وفي الصباح تنسل كل ما حاكته، أو ربما كما وقع لسيزيف، هذه الدوامة بين المنفى والوطن هي التي تكسرني، أسمع أغنية عربية بغتة في باريس فتقفز حلب بوجهي، وأشعر كما لو أنني طفلة مُعاقبة بالحرمان من أغلى دُماها، هل حلب دميتي؟ ربما، حلب أو اللغة العربية المنتشرة في كل مكان، هي دميتي الضائعة، حين حصلت على جواز سفر بعد ثماني سنوات تقريباً من العيش في الغرب، محاطة بعالم "أجنبي" عليّ الالتحاق به وفهمه، ذهبت إلى لبنان، كنت أشعر أنني مسحورة وأنا أسير في شوارع يتحدث فيها الجميع اللغة العربية.
تكسرني الغربة الروحية والفكرية، وترميني في عمق الوحدة والعزلة، فأكتب. هي ضريبة الكتابة، التفاحة المحاطة بالشوك، حتى نكتب، يجب أن نكون أنفسنا، ولنكون أنفسنا نحتاج إلى الحرية والعزلة ربما.
هي ضريبة الكتابة، ولكن الكتابة في نفس الوقت لا تقبل بإدامة عذابي، لتمنحني من وقت لآخر (سفر الكتابة) فأخرج إلى العالم. الكتابة غربتني، لكنها أيضاً منحتني فرص اللقاء مع الآخر الذي لم أتوقعه، والذي أصادفه كثيراً وتفاجئني به.
المصدر : الجزيرة