Traduit de
l’anglais au français par Quentin Davidoux.
l'article en anglais en en arabe est publié sur le site de Heinrich Böll
http://lb.boell.org/en/2014/04/24/womens-revolutions-shadow-arab-spring-has-time-come
l'article en anglais en en arabe est publié sur le site de Heinrich Böll
http://lb.boell.org/en/2014/04/24/womens-revolutions-shadow-arab-spring-has-time-come
Je suis
venue au monde comme une femme : avant la révolution syrienne.
Je ne nie pas avoir oublié parfois que je suis une femme, préoccupée par l’écriture et la vie, et obsédée par mon pays qui oscille entre les berges de la mort. Au moment où j’ai commencé à écrire, j’avais longtemps ignoré que j’étais une femme. L’éducation masculine que j’ai reçue m’a poussée à renier mon sexe et je sentais mon infériorité du fait de ma féminité ; par ailleurs les modèles féminins apparus dans les domaines littéraire et médiatique ne m’ont jamais captivée, le rêve qu’ils poursuivaient n’ont jamais du reste croisé le mien.
Je ne nie pas avoir oublié parfois que je suis une femme, préoccupée par l’écriture et la vie, et obsédée par mon pays qui oscille entre les berges de la mort. Au moment où j’ai commencé à écrire, j’avais longtemps ignoré que j’étais une femme. L’éducation masculine que j’ai reçue m’a poussée à renier mon sexe et je sentais mon infériorité du fait de ma féminité ; par ailleurs les modèles féminins apparus dans les domaines littéraire et médiatique ne m’ont jamais captivée, le rêve qu’ils poursuivaient n’ont jamais du reste croisé le mien.
Mes rêves
étaient masculins. Je m’identifiais aux hommes ; j’étais l’un d’entre eux :
Sartre, Nietzsche et Hegel, puis Kafka et Proudhon, et, finalement, dans la
période précédant mon éveil féministe, Dostoïevski, Kundera et beaucoup d’autres,
tous, en fait. Dans ma vie privée, je rencontrais beaucoup de femmes
exceptionnelles, mais aucune n’était une célébrité de la littérature ou du
cinéma ; ainsi, à l’époque, je ne me rendais pas compte de leur distinction car
mon jugement sur les autres était lié à ce qu’ils écrivaient.
Enfant, ma
bibliothèque était remplie de livres de Camus, Sartre et Colin Wilson ; j’ai
grandi comme un homme et c’était à eux que je m’identifiais. Peut-être
qu’inconsciemment je détestais ce que j’étais : une femme.
Les textes
de Nawal el Saadawi étaient nouveaux pour moi. Ce monologue me repoussait et ne
me concernait pas. Je ne lisais pas les textes de Ghada Al Samman ou d’autres
auteures arabes, et même des écrivains arabes, dont les textes me laissaient de
marbre avec leur narcissisme, leur immaturité intellectuelle en quête d’une
identité – d’une unicité, peut-être…
En
grandissant, je fus soudain confrontée aux tabous sociaux. Je découvris que
d’autres ne me voyaient pas comme moi je me voyais. Je ne me présentais pas
comme une femme, mais ces gens-là, d’un coup de crayon (cette expression tombe
à point nommée) me plaçaient dans la boite étiquetée « femme » et je subissais
leur mépris et leur manque de respect. Dans un minibus à Alep, un jeune homme
tenta de me violenter, et lorsque je le repoussai – comme son égal et non comme
une créature inférieure à un homme –, il dit d’un ton menaçant qui me fit peur
: « Ferme-la ou je te frappe devant tout le monde ! » . Je me tus, en victime,
et subis ma peur. A ce moment-là, je réalisai que j’étais une femme, et que mon
identité dans les sociétés de l’est était déterminée par mon corps, non par mon
esprit. Jour après jour, les barrières s’érigeaient toujours plus hautes devant
moi, juste à cause de ma condition de femme. Beaucoup d’opportunités m’étaient
refusées à cause de ce corps de femme, un corps, croyait-on, qui contenait un
esprit différent de ceux des hommes.
En remontant
mon chemin (encore un cliché) dans le monde des femmes, je me suis considérée
comme une étrangère parmi elles. Car, dans l’environnement où je vivais, les
femmes sont des dictionnaires d’elles-même, très différent du monde de ces
hommes qui m’éduquèrent : mes pères. J’eus de nombreux pères : Sartre, mon père
spirituel ; mon père biologique ; Khaled, mon père intellectuel ; et bien
d’autres…
Je me suis
retrouvée comme une étrangère dans le monde des femmes : des tentatrices, des
mangeuses d’hommes avec de la ruse, de l’intuition et une foule d’autres
qualités que je ne comprenais pas. Troublée, je comptais me trouver un endroit
qui me correspondrait mieux, et un ami me dit : « Une vraie femme couche avec
des douzaines d’hommes sans qu’aucun ne le découvre. Tu es trop transparente ».
Mes amis considéraient que la féminité chez une femme vient de sa capacité à
tourmenter les hommes, or, j’étais très loin de la tourmenteuse idéale : à
travers mes lectures et mon éducation, j’avais appris à croire en l’égalité
parmi les êtres et au respect mutuel. « Transparence » était mon mot d’ordre
dans la vie, et je finissais par être accusée d’un manque de féminité. Moi, une
femme élevée dans le scepticisme, avec Descartes, Nietzsche et la pensée
rationnelle, comment pouvais-je m’en tenir à une féminité consistant à suggérer
mais jamais déclarer, flirter et manipuler, approcher et reculer… ? Des garçons
plus jeunes que moi m’enseignèrent la chose : fais-le danser, mais garde-le
dans l’incertitude…et j’échouais. En cherchant à me rapprocher des hommes, je
découvris aussi leur hypocrisie ; une hypocrisie qui, à de rare exceptions
près, était en quête d’une compagne libérée, une sœur ou une femme, qui ne se
révélerait devant personne d’autre.
Je baissai
les bras. Je ne suis pas un homme fourbe, une femme dissimulatrice. Je suis une
écrivaine. Je me réfugiai dans la narration et commençai à réévaluer ces femmes
que j’avais précédemment ignorées. Et J’écrivis.
Je n’ai aujourd’hui pas l’intention de discuter des portraits des femmes dans mes récits, ou même de Daughters of the Wilderness, la nouvelle qui représente mon manifeste artistique, dans lequel j’annonce que je suis devenu une femme, là où un jour je m’étais détournée de mon sexe, convaincue que l’œuvre de l’écrivain n’avait rien à voir avec son genre biologique.
Je ne suis pas si féministe que ça, mais lorsque j’écris – écrire étant une des pierres angulaires de mon identité – je prends le parti des victimes, des plus faibles, et il est toujours clair pour moi que, en gros, la femme est constituante de ce parti, même si ce n’est pas toujours l’homme qui la rabaisse.
Marquez a dit qu’il était né pour raconter des histoires, et je crois que n’importe quel romancier contient cette vérité en lui. Moi aussi, je suis née pour raconter des histoires, mais notez bien : je suis née femme et j’ai laissé mon pays parce que j’étais une femme ; serais-je née homme, j’aurais subie moitié moins d’épreuves que ce que j’ai subi en étant une femme. Être une femme, c’est subir deux fois plus de douleurs : une part pour l’être humain et une part supplémentaire pour la femme.
Je n’ai aujourd’hui pas l’intention de discuter des portraits des femmes dans mes récits, ou même de Daughters of the Wilderness, la nouvelle qui représente mon manifeste artistique, dans lequel j’annonce que je suis devenu une femme, là où un jour je m’étais détournée de mon sexe, convaincue que l’œuvre de l’écrivain n’avait rien à voir avec son genre biologique.
Je ne suis pas si féministe que ça, mais lorsque j’écris – écrire étant une des pierres angulaires de mon identité – je prends le parti des victimes, des plus faibles, et il est toujours clair pour moi que, en gros, la femme est constituante de ce parti, même si ce n’est pas toujours l’homme qui la rabaisse.
Marquez a dit qu’il était né pour raconter des histoires, et je crois que n’importe quel romancier contient cette vérité en lui. Moi aussi, je suis née pour raconter des histoires, mais notez bien : je suis née femme et j’ai laissé mon pays parce que j’étais une femme ; serais-je née homme, j’aurais subie moitié moins d’épreuves que ce que j’ai subi en étant une femme. Être une femme, c’est subir deux fois plus de douleurs : une part pour l’être humain et une part supplémentaire pour la femme.
A l’âge que
j’ai maintenant, je ne crois pas que le sexe influence l’écriture, mais, alors
que j’écris, une magnifique voix résonne : la voix de ma grand-mère, la voix de
femmes disparues, et de celles qui restent, torturées, enchaînées, effrayées ;
un chœur enfoui profondément en moi qui chante lorsque j’écris, et, voltigeant
à travers mes textes, me rappelle le fait que je suis, comme elles, une femme.
La
révolution en tant que femme : Lorsqu’un air printanier a atteint la Syrie.
Lorsque commença la révolution en Syrie, j’allai là-bas dans le même état d’esprit : comme une femme qui embrasse de nouveaux horizons et qui les sent avec son capteur interne… Un mélange d’instinct biologique et de connaissances acquises lors d’une vie de lectures et d’expériences théoriques.
Lorsque commença la révolution en Syrie, j’allai là-bas dans le même état d’esprit : comme une femme qui embrasse de nouveaux horizons et qui les sent avec son capteur interne… Un mélange d’instinct biologique et de connaissances acquises lors d’une vie de lectures et d’expériences théoriques.
Je m’engageai
dans la révolution en tant que femme. Une femme qui croyait à son rôle, non
comme une fonctionnaire au sein des systèmes des parties politiques,
associations ou croyances majoritaires, mais comme une personne entrant
spontanément dans la chaîne et la trame de l’expérience des autres : de leurs
douleurs, leurs injustices, leur rébellion, leur liberté…
La révolution entame sa quatrième année, et de jour en jour, la marée de sang, de mort et de destruction augmente.
La révolution entame sa quatrième année, et de jour en jour, la marée de sang, de mort et de destruction augmente.
Une femme…
pardon : je voulais dire une révolution à laquelle nombreux rêvaient : une
femme belle et impartiale balayant une histoire d’injustice, de discrimination
et de désespoir imposé transformée chaque jour en cadavre pour réapparaître le
suivant, l’espoir serré dans son poing.
Une femme… pardon : je voulais dire une révolution qui sait qu’elle doit traverser un champ de mines placé en travers de ses espoirs les plus chers, traverser une foule d’hommes, l’un après l’autre essayant de la couvrir d’un voile, de la dissimuler, de la guider, comme s’il était son mari légal et officiel.
Une femme… pardon : je voulais dire une révolution qui sait qu’elle doit traverser un champ de mines placé en travers de ses espoirs les plus chers, traverser une foule d’hommes, l’un après l’autre essayant de la couvrir d’un voile, de la dissimuler, de la guider, comme s’il était son mari légal et officiel.
Djihad,
islamisation, militarisation, chacun avec leurs objectifs et étapes
soigneusement définis. La révolution est passée de main en main, de slogan en
slogan ; elle esquive et glisse à travers et au-delà des camps des belligérants
et en ressort inaltérée, franchissant carrefour après carrefour, barrière après
barrière, d’une prison idéologique à une autre, la tête haute et sur les lèvres
: « Je suis la Révolution ; je ne suis pas comme vous. »
Beaucoup d’hommes se prétendent son protecteur, pour la représenter et faire respecter sa légitimité ; ils y sont aidés et encouragés par des femmes, alors que les filles de la révolution souffrent et sont violentées. Mais la révolution… pardon, la femme, qui connaît et comprend les stupidités de ses enfants, tant légitimes qu’illégitimes, ceux qui frappent à sa porte et affirme en pleurant qu’elle est leur, elle leur ouvre la porte à tous, car la femme… pardon, la révolution, rejette la discrimination.
Beaucoup d’hommes se prétendent son protecteur, pour la représenter et faire respecter sa légitimité ; ils y sont aidés et encouragés par des femmes, alors que les filles de la révolution souffrent et sont violentées. Mais la révolution… pardon, la femme, qui connaît et comprend les stupidités de ses enfants, tant légitimes qu’illégitimes, ceux qui frappent à sa porte et affirme en pleurant qu’elle est leur, elle leur ouvre la porte à tous, car la femme… pardon, la révolution, rejette la discrimination.
C’est son
coté sentimental, sa faiblesse peut-être, qui l’empêche de claquer la porte
sur ceux qui viennent, animés de bonnes intentions, ou de mauvaises, pour
l’aider. Aujourd’hui, elle est femme, femme au sein d’une révolution : c’est la
formulation adéquate, la formulation qui transmet sa justice et sa droiture.
Un révolutionnaire ne respectant pas la femme ne mérite pas la gloire de la révolution. Quiconque essaye de soustraire la femme ou de la faire taire est contre les deux, femme et révolution.
Un révolutionnaire ne respectant pas la femme ne mérite pas la gloire de la révolution. Quiconque essaye de soustraire la femme ou de la faire taire est contre les deux, femme et révolution.
Quiconque
enlève les femmes est contre les deux ; quiconque empêche les femmes d’obtenir
ce qui leur appartient de droit, qui leur jette de la mie de pain comme
compensation de leurs pertes, est un ennemi de la femme et de la révolution.
Lorsque la femme est en danger, la révolution est en danger, la société est en danger, l’homme est en danger. La femme est la base de la révolution. La révolution est en danger si la femme est en danger : la femme est la pierre de touche de la révolution.
La révolution est en danger lorsque Samira Khalil, Razan Zeitouneh et bien d’autres femmes et hommes sont retenus par ceux qui affirment être les enfants de la révolution. Les deux femmes ont été enlevées le 10 décembre 2013 par un groupe d’hommes armées anonyme qui a attaqué le Centre de documentation des violations de Douma, ville proche de Damas. Ils ont enlevé les deux activistes, ainsi que deux de leurs collègues masculins, Wael Zeitouneh (le mari de Razan) et Nazim Hamadi, dont on est toujours sans nouvelle à ce jour.
Lorsque la femme est en danger, la révolution est en danger, la société est en danger, l’homme est en danger. La femme est la base de la révolution. La révolution est en danger si la femme est en danger : la femme est la pierre de touche de la révolution.
La révolution est en danger lorsque Samira Khalil, Razan Zeitouneh et bien d’autres femmes et hommes sont retenus par ceux qui affirment être les enfants de la révolution. Les deux femmes ont été enlevées le 10 décembre 2013 par un groupe d’hommes armées anonyme qui a attaqué le Centre de documentation des violations de Douma, ville proche de Damas. Ils ont enlevé les deux activistes, ainsi que deux de leurs collègues masculins, Wael Zeitouneh (le mari de Razan) et Nazim Hamadi, dont on est toujours sans nouvelle à ce jour.
C’est ce
qu’est la révolution, comme l’histoire des femmes : les ennemis brandissent des
slogans abscons, s’abritant derrière pour atteindre leurs buts, pendant que la
révolution, ou la femme, demeure la moindre de leurs préoccupations.
La même chose se vérifie à travers l’histoire schizophrénique des hommes : les hommes qui défendent les droits de femmes avec lesquelles il n’ont aucun lien biologique ou légal bafouent ces mêmes droits chez eux pour bien montrer que ce sont eux qui dirigent.
Certains hommes blanchissent leurs dossiers honteux avec un liquide nettoyant magique appelé « les problèmes des femmes ». Ainsi, dans la révolution, nous pouvons aussi trouver ceux qui tentent de dissimuler les sombres taches qui gangrènent leurs pensées, comportement et intentions, avec cette javel occulte qu’est la révolution.
La même chose se vérifie à travers l’histoire schizophrénique des hommes : les hommes qui défendent les droits de femmes avec lesquelles il n’ont aucun lien biologique ou légal bafouent ces mêmes droits chez eux pour bien montrer que ce sont eux qui dirigent.
Certains hommes blanchissent leurs dossiers honteux avec un liquide nettoyant magique appelé « les problèmes des femmes ». Ainsi, dans la révolution, nous pouvons aussi trouver ceux qui tentent de dissimuler les sombres taches qui gangrènent leurs pensées, comportement et intentions, avec cette javel occulte qu’est la révolution.
On ne peut
pas se fier à ce qui ne peut pas être féminisé. Les révolutions qui ne peuvent
pas être féminisées ne sont vouées qu’à devenir des champs de batailles et des
massacres mutuels. La révolution se porte bien si la femme en son sein se porte
bien. La révolution se porte bien quand tous baissent la tête devant les femmes
et brandissent haut leurs images, comme l’ont fait d’autres nations. Les
Français, par exemple, brandissent toujours l’image de Marianne, inébranlable,
plus puissante que les portraits de leurs dirigeants. Marianne, l’incarnation
de la république française, la femme à bonnet dont les statues
et les peintures sont à l’honneur lors des célébrations républicaines, qui fait
jeu égal avec le drapeau. Le choix du nom, cela dit, demeure un mystère.
Marie-Anne était un prénom très populaire au XVIIème siècle, et souvent utilisé
comme un diminutif pour « le peuple ». Sous la révolution, Marianne en vint à
symboliser la liberté et la République. Elle servit d’inspiration pour nombre
d’œuvres, comme le tableau d’Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple.
La
révolution est une femme. Libre, elle n’a pas besoin de pères, de guides ou de
chefs. Elle a besoin d’enfants qui travaillent avec l’amour et la foi du
changement, et de prendre fait et cause pour les femmes (en particulier) et
pour l’espèce humaine.
Le
printemps, les femmes et la culture.
L’an dernier, en mai 2013, j’ai pris part à un forum d’une manifestation culturelle ayant lieu pour marquer la fondation du PEN au Liban, et faisant partie d’une série d’événements organisées en collaboration avec PEN international, et avec le support du festival de Hay. La discussion au forum tournait autour des révolutions arabes et des femmes.
L’an dernier, en mai 2013, j’ai pris part à un forum d’une manifestation culturelle ayant lieu pour marquer la fondation du PEN au Liban, et faisant partie d’une série d’événements organisées en collaboration avec PEN international, et avec le support du festival de Hay. La discussion au forum tournait autour des révolutions arabes et des femmes.
Ce qui fut
alors dit à propos des droits des
femmes
semble maintenant presque complaisant à la lumière des derniers événements en
Syrie : ce serait comme tenter de sauver un livre d’un bâtiment en flamme
s’écroulant autour de ses occupants. J’ai souligné mon rejet de la
militarisation de la révolution et de l’arrivée au pouvoir des groupes
islamistes parce que j’étais sûr qu’ils supprimeraient le peu que les femmes avaient
réussi à obtenir. J’ai dit qu’il n’était possible de ne parler des droits des
femmes qu’en temps de paix, que les femmes elle-mêmes pourraient être les
grandes perdantes en temps de paix comme en temps de guerre. J’ai révélé le
niveau de despotisme dans la société arabe, affirmant que les sociétés arabes
sont profondément despotiques, et que ce despotisme dans nos pays est complexe,
comme des couches sédimentaires. Si l’on retire la couche du despotisme
politique, on trouve le despotisme religieux. En retirant celle-ci, le
despotisme familial est révélé. cycles après cycles, la plupart emmenée par une
femme qui, comme l’homme, est la victime de chacune de ces couches, mais est
finalement aussi la victime du despotisme de l’homme, quand bien même celui-ci
fut peut-être lui-même la victime d’une oppression antérieure. C’est comme si
la femme habitait dans un champ de clôtures de barbelés. A la fin, la femme est
la grande perdante, perdante en temps de paix comme en temps de guerre. Et
maintenant, alors que des révolutions ont lieu autour d’elles, révolutions pour
lesquelles elles n’ont pas le choix de prendre les armes (principalement par le
fait que la majorité des femmes s’y oppose, encore que cela soit un problème
profond et épineux lié à la recherche des tendances instinctivement pacifiques
des femmes et de leur prédilection pour l’esprit de famille, l’habitude et des
processus de changement rationnels et sans confrontation), les femmes
n’abandonnent pas et poursuivent leur lutte non-violente au sein de cycles
verrouillés de violence.
Une
discussion sur les violences commises par tous les partis ne signifie à aucun
moment que nous mettons sur un pied d’égalité la victime et l’auteur, mais cela
implique d’obliger les femmes à entrer dans une lutte qui n’est pas la leur en
leur qualité de citoyenne et d’égaler le partenaire qui s’engage en politique,
dans la société civile ou dans des actions d’aide publique, tout en payant
parallèlement deux fois ce que paierait un homme. A la fin, pour une écrasante
majorité, elle est un objet et un symbole, jamais une entité indépendante. En
temps de guerre elle est une otage, en temps de paix l’honneur de la famille :
dans les deux cas un symbole avec des valeurs génériques et jamais une personne
en soi. Les femmes sont la fille, l’honneur et la honte, la première de la
famille, puis du clan, puis des environs, puis du pays.
Les femmes
prises dans la révolution ne se sentent pas immédiatement concernées par leurs
droits. Bien sûr, quelques faibles efforts sont faits par des collectifs de
femmes et des associations qui œuvrent pour informer et contrôler la situation
des femmes en Syrie et les violations de leurs droits, mais au regard des
massacres et des meurtres de masses, de tels efforts semblent irréalistes.
La femme perd parce qu’elle met ses droits de côté, parce qu’elle rejoint les hommes dans une révolution qui, selon elle, va garantir ses droits en tant que citoyenne et le concept même de citoyenneté, ce qui devrait nécessairement lui assurer ces droits et l’égalité. Mais tout ça n’est que théorie, parce que la réalité, c’est que les révolutions dans les pays avoisinant ont laissé la place à des régimes dictatoriaux, des régimes dictatoriaux de nature différente certes, mais, pour la femme, une dictature religieuse n’est pas moins dangereuse et abusive qu’une dictature politique. Les Syriennes ne sont pas descendues dans la rue pour défendre les conseils de la Charia ou la mise en place de punitions islamiques. Elles sont descendues dans la rue pour la défense de concepts civils et contemporains : pour la justice et l’égalité.
La femme perd parce qu’elle met ses droits de côté, parce qu’elle rejoint les hommes dans une révolution qui, selon elle, va garantir ses droits en tant que citoyenne et le concept même de citoyenneté, ce qui devrait nécessairement lui assurer ces droits et l’égalité. Mais tout ça n’est que théorie, parce que la réalité, c’est que les révolutions dans les pays avoisinant ont laissé la place à des régimes dictatoriaux, des régimes dictatoriaux de nature différente certes, mais, pour la femme, une dictature religieuse n’est pas moins dangereuse et abusive qu’une dictature politique. Les Syriennes ne sont pas descendues dans la rue pour défendre les conseils de la Charia ou la mise en place de punitions islamiques. Elles sont descendues dans la rue pour la défense de concepts civils et contemporains : pour la justice et l’égalité.
Il y a
ensuite la tyrannie sociale, lorsque les femmes souffrent de l’autoritarisme
masculin : le diktat du frère, du mari, du fils du voisin ou du cousin. Tous
ces hommes ont des droits sur la femme parce qu’elle porte leur honneur et leur
honte. Il n’y a pas de période de post-oppression : à la tyrannie d’aujourd’hui
en succède toujours une autre.
La plus
profonde couche de tyrannie que les femmes doivent combattre est celle de
l’homme réactionnaire, l’ombre dissimulée derrière tous les hommes occidentaux
qui les empêche de considérer la femme comme leur égal. La présence des femmes
aux conférences culturelles et politiques est symbolique. Au fond d’eux, les
hommes pensent que la femme leur est inférieure, qu’elle a besoin de conseils,
et certaines femmes s’identifient à ce courant de pensée masculin, elles
oppressent leurs semblables et souscrivent avec une infériorité subconsciente à
cette idée que l’homme est un protecteur. Elles se blottissent contre les
hommes et recueillent les bénéfices : contentement, protection et sensation de
sécurité.
Parce que la
femme est la garante de l’honneur, et parce que tous les hommes ont le droit
d’intervenir dans ses affaires pour protéger cet honneur, il en résulte que
même ces femmes qui se sont élevées contre le régime se sont heurtées à la
religion et à l’autorité patriarcale une fois le pouvoir du régime mis en
pièces. C’est ce qu’il s’est passé pour Samira Khalil et Razan Zeitouneh qui se
sont battues contre le régime et le despotisme politique, et sont devenues en
fin de compte les premières victimes de la révolution « patriarco-religieuse »
qui, identique en cela au régime, réprima leur liberté et les enferma.