jeudi 3 août 2017

Maha Hassan, écrivaine, de la Syrie à Morlaix

  Jennifer Pinel.



Elle est née à Alep, en Syrie. Écrivaine réfugiée politique depuis 2004, Maha Hassan a posé ses bagages à Morlaix. L'association Trocoat examine actuellement son premier livre en français.


Syrienne d'origine kurde, née à Alep en 1966, Maha Hassan a rejoint la France en 2004, pour échapper à la répression sanglante dont était victime sa communauté en Syrie. « Née pour raconter », c'est depuis Morlaix, où elle s'est installée en octobre, que l'écrivaine continue à écrire sur son pays, dont elle suit l'actualité avec horreur.
La Bretagne s'est imposée comme une évidence pour la Syrienne réfugiée politique. « À Paris, je vivais en colocation avec une Bretonne. Elle m'a fait découvrir les menhirs et Carnac. Je m'en suis inspirée dans mon livre Cordon Ombilical où j'évoque une femme kurde qui se marie avec un Breton. » Comme une prédestination, vient la rencontre avec Philippe, Breton de coeur. Puis l'installation à Morlaix, « une ville vivante avec une gare toute proche, importante pour moi qui voyage beaucoup mais qui ne conduit pas... »
« Les Bretons sont directs »
Danse main dans la main, tendance « à l'entêtement » : entre la communauté kurde et la Bretagne, l'écrivaine perçoit des similitudes qui la séduisent. « Les Bretons sont clairs et directs : soit ils aiment soit ils n'aiment pas. Il n'y a pas de gentillesse manipulée. Ils sont crus, comme les Kurdes. Il y a une honnêteté avec soi et avec les autres. »
Née dans une famille kurde au sein d'une société arabe, Maha Hassan évoque « la schizophrénie » qui l'habite depuis sa plus tendre enfance. « Ma grand-mère ne parlait pas un mot d'arabe, alors que c'est la langue avec laquelle j'ai découvert le monde. Mon père était communiste mais je devais mettre le voile dans la rue. J'étais une femme libre à l'extérieur, dévouée et au service des autres à la maison. »
Un journal dans la maison d'Anne Franck
Arabe, Kurde, Française, Bretonne ? Maha Hassan se sent avant tout « écrivaine, responsable de tout ce qui se passe autour d'elle ». Éprise d'indépendance et apeurée par la répression antikurde, l'écrivaine, victime de la censure, a quitté le domicile familial dans le plus grand secret, en 2004.
Réfugiée politique, elle obtient en 2005 le prix Hellmann-Hammett de Human Rights Watch. Et passe un an en résidence dans la maison d'Anne Franck où elle écrit son propre journal, qu'elle n'a pas encore osé publier à ce jour.
La voix des femmes
Militant pour « le droit du peuple syrien à choisir son président », Maha Hassan fait, dans ses romans, vivre les femmes de son pays, victimes de la répression et de la guerre. « Ma mère a survécu au bombardement de notre maison mais est décédée la semaine suivante. J'écris pour lui rendre hommage, à elle et aux femmes de mon pays qui représentent la paix en Syrie. Pour qu'elles ne meurent pas deux fois... »
Lors d'une rencontre littéraire à la librairie À pleine voix, le chemin de Maha Hassan a croisé celui d'Anna Cousin, la présidente de l'association Trocoat. « J'ai été fascinée par son parcours et je l'ai invitée à un atelier de lecteurs. Je trouve tellement dommage que sa richesse ne soit pas plus visible », confie celle qui retravaille un manuscrit français de l'auteur, étrangement jamais traduite, jusqu'ici, dans la langue de Molière...