jeudi 3 août 2017

Maha Hassan. Écrire et vivre, d'Alep à Morlaix

  Publié le 25 juillet 2017

Anaëlle De Araujo
 
 

Née dans la ville, désormais meurtrie, d'Alep, en Syrie, la romancière kurde, Maha Hassan, a choisi Morlaix comme nouveau point d'ancrage. Elle travaille actuellement sur un roman écrit directement en français, avec l'aide de l'association Trocoat. Portrait d'une femme aux multiples identités et éprise de liberté.

« Je suis enfin chez moi ici, à Morlaix. Je veux vivre le dernier chapitre de ma vie dans cette ville. Et après, j'aimerais que ma maison devienne une maison pour les écrivains », confie Maha Hassan dont le parcours est aussi romanesque que ses livres. Après des années de clandestinité littéraire et de nombreux articles et ouvrages, censurés par le régime syrien, cette auteure aleppine de 50 ans a fui la Syrie, en 2004, au moment de la révolte kurde.

« Mon passeport français a été une renaissance


» « Les écrivains ne bénéficient d'aucune considération en Syrie, d'autant plus quand on est une femme, kurde de surcroît. Il est impossible d'organiser des soirées littéraires et beaucoup de livres sont censurés et publiés à l'étranger », déplore-t-elle. Réfugiée politique, elle choisit d'aller à Paris, où elle est accueillie à la Maison des journalistes. Elle remporte le prix Helmann/Hammett, décerné par l'ONG Human Rights Watch, en 2005. En 2014, Maha Hassan obtient la double nationalité franco-syrienne. « Obtenir le passeport français a été une renaissance pour moi. Je me sens plus forte maintenant », explique la Morlaisienne d'adoption avec émotion.

« Les Bretons ressemblent aux Kurdes »


Elle s'est installée à Morlaix, il y a deux ans, avec son compagnon. « Je me sens bien dans cette ville. Les Bretons ressemblent beaucoup aux Kurdes. Ils sont spontanés et honnêtes. Je me sens à l'aise avec les gens d'ici. Certaines rues de Morlaix me rappellent également Alep ». Cette expérience personnelle transparaît dans son roman « Cordon ombilical », qui a été sélectionné pour la finale du Arab Booker Prize.
Maha Hassan y raconte l'histoire d'amour entre une femme kurde et un Breton qui n'a que faire de son identité française, alors que c'est un sujet important pour la Kurde et la condition de sa liberté.

« Chaque femme est une conteuse »


La quête de la liberté est le fil directeur du parcours de Maha Hassan. « En Syrie, je ne pouvais pas parler des sujets tabous comme la politique et le sexe. Maintenant, les thèmes principaux de mes romans sont la liberté, l'identité et les femmes ». Refusant le qualificatif de féministe, Maha Hassan accorde pourtant une place importante au talent créateur des femmes dans ses romans : « La plupart de mes personnages principaux sont des femmes. Je considère que chaque femme est une conteuse, qu'elles ont toutes un génie d'écriture particulier. Mon objectif est donc de libérer la parole et l'écriture des femmes, en leur montrant que c'est possible de devenir écrivain ».

Un roman en français en cours d'écriture


La romancière syrienne travaille actuellement sur son dixième livre, qui est le premier qu'elle écrit en français. Depuis deux mois, elle est assistée par les membres de l'association Trocoat, du quartier de Troudousten-Coatserho, qui relisent son manuscrit et corrigent les tournures de phrases, en discutant avec l'auteure pour ne pas « trahir ce qu'elle veut dire ». Selon Maha Hassan, l'écriture est une activité libératrice : « La littérature, c'est la liberté, c'est la connaissance de soi et des autres, c'est un monde très riche. L'écriture m'a sauvée. J'ai tout le temps des histoires dans la tête. Je suis comme un passage pour les personnages, je suis là pour leur donner vie ».
© Le Télégrammehttp://www.letelegramme.fr/finistere/morlaix/maha-hassan-ecrire-et-vivre-d-alep-a-morlaix-25-07-2017-11608099.php#ChVJxWfDS218r4bP.99