samedi 31 mai 2014

Les filles des prairies



"Lu et traduit"
Plongée dans les littératures de Méditerranée


Les filles des prairies
Maha Hassan

Riad el-Rayyes, Beyrouth, 2011
, 151 p.
Lu et traduit par Marie Charton
Une terrible angoisse saisit Sharif lorsqu’il découvre que sa fille a hérité des yeux verts de sa défunte mère. Faut-il y voir le signe de la malédiction que portait la disparue? L’enfant, prénommée Sultana, grandit, devient adolescente et inéluctablement, la prophétie se réalise. Elle rencontre Ibrahim, tombe amoureuse et alors que le mariage entre les deux jeunes gens est inenvisageable, se découvre enceinte. Imprégné de réalisme magique, le roman s’ouvre sur une scène terrible: au moment où la tête de Sultana, égorgée par un des hommes de sa famille se détache de son corps, celle de sa fille, fruit du péché, sort de son utérus. Le sang envahit le lieu puis le village et la prairie environnante, et tout se retrouve coloré de rouge. Ibrahim, anéanti par la mort de Sultana, se retire avec le nouveau-né et fait le serment de la protéger. La malédiction aura pourtant raison de cette promesse...
Dans ce roman fort, qui alterne récits bucoliques et moments tragiques, sans verser dans le pathétique, Maha Hassan va au-delà de la dénonciation du crime d’honneur comme acte barbare portant atteinte à la vie des femmes. Les coutumes tyranniques qui confisquent les vies humaines s’inscrivent dans un processus plus global d’élimination des voix dissidentes qui fait obstacle à l’émancipation de la société. Un processus qui se nourrit du fatalisme, de la peur de l’inconnu et de la différence, et dans lequel la société, prisonnière d’elle-même, se noie dans son propre sang.