"Lu et
traduit"
Plongée dans
les littératures de Méditerranée
Les filles
des prairies
Maha Hassan
Riad
el-Rayyes, Beyrouth, 2011
, 151 p.
Lu et
traduit par Marie Charton
Une terrible
angoisse saisit Sharif lorsqu’il découvre que sa fille a hérité des yeux verts
de sa défunte mère. Faut-il y voir le signe de la malédiction que portait la
disparue? L’enfant, prénommée Sultana, grandit, devient adolescente et inéluctablement,
la prophétie se réalise. Elle rencontre Ibrahim, tombe amoureuse et alors que
le mariage entre les deux jeunes gens est inenvisageable, se découvre enceinte.
Imprégné de réalisme magique, le roman s’ouvre sur une scène terrible: au
moment où la tête de Sultana, égorgée par un des hommes de sa famille se
détache de son corps, celle de sa fille, fruit du péché, sort de son utérus. Le
sang envahit le lieu puis le village et la prairie environnante, et tout se
retrouve coloré de rouge. Ibrahim, anéanti par la mort de Sultana, se retire
avec le nouveau-né et fait le serment de la protéger. La malédiction aura pourtant
raison de cette promesse...
Dans ce
roman fort, qui alterne récits bucoliques et moments tragiques, sans verser
dans le pathétique, Maha Hassan va au-delà de la dénonciation du crime
d’honneur comme acte barbare portant atteinte à la vie des femmes. Les coutumes
tyranniques qui confisquent les vies humaines s’inscrivent dans un processus
plus global d’élimination des voix dissidentes qui fait obstacle à
l’émancipation de la société. Un processus qui se nourrit du fatalisme, de la
peur de l’inconnu et de la différence, et dans lequel la société, prisonnière
d’elle-même, se noie dans son propre sang.